Adrien Piard s'attache avec attention à restituer la beauté de ce qui est en marge ou de ce qui aurait pu être délaissé.

François TAILLADE, commissaire d'expositions, directeur de l'association Le Cyclop de Jean Tinguely à Milly-la-Forêt








Avec Cindy DAGUENET, commissaire pour l'exposition Viens avec moi (2020) au musée d'arts et d'histoire de Chinon, le Carroi

CD : Depuis notre première rencontre, je t'identifie au Baron Perché d'Italo Calvino. Cet homme qui passe toute sa vie dans les arbres pour s'éloigner des contraintes de la vie sociale, et se rapprocher de la nature et des animaux. Tu as un lien très fort à la nature et à l’observation. Est-ce que ton œuvre qui est conceptuelle, se bâtit en dehors des contraintes sociales, et se construit mentalement dans tes pérégrinations et au milieu de la nature ?

AP : La conseillère d’orientation du centre de formation où j’étudiais le métier de paysagiste me sentait davantage la tête dans les arbres plutôt que les pieds sur terre et me conseillait le métier d’élagueur ! J’ai une certaine difficulté à accoucher de pièces artistiques, et donc pour moi la contrainte est la clé ! Je réponds à des propositions et me mets à réfléchir et à agir dans l’urgence. Je suis alimenté par tout ce qui m’arrive, je suis une sorte d’éponge.

CD : L'artiste Jean Dupuy a nommé le Lazy Art, un art paresseux, un art qui consisterait, nous dit-il, à « faire travailler les autres, en grande partie, à sa place ». Est-ce que tu te retrouves dans cette définition ?

AP : Je suis un grand procrastinateur pour ma pratique artistique alors que je ne le suis pas dans le quotidien. Je choisis la solution idéale pour réaliser ma proposition, si je dois faire appel à un professionnel, je n’hésite pas, mais je suis toujours curieux et j’aime découvrir de nouveaux savoir-faire et si cela est possible mettre la main à la pâte.

CD : Ton œuvre Hors-Jeu présentée dans la vitrine du musée reprend le symbole du media player, ce symbole qui permet aux utilisateurs du web de puiser dans un fonds multimédia afin d’y lire des vidéos, d’y écouter de la musique, d’y regarder des images et des photographies. Es-tu connecté ou hors-jeu face au multimédia ?

AP : Je suis boulimique de documentaires vidéos sur l’art, la musique, la culture en général… et l’information sur internet. Par contre je n’utilise pas les réseaux sociaux, je trie drastiquement ma boîte mail par souci pour l’énergie utilisée par son remplissage. J’ai tout de même un site présentant mon travail artistique.

CD : Cette œuvre désigne notre société de l’écran et ce phénomène de consommation d’images. Or, dans un musée, les expositions et les collections permanentes que l’on présente au public sont faites pour une mise en commun de nos sentiments qu’ils soient positifs ou négatifs d’ailleurs, face à une œuvre ou à un objet. C’est une consommation lente, il faut de l’apprentissage, il faut ressentir les choses, s’approcher, s’éloigner d’une œuvre ou d’un objet, l’affronter physiquement. D’une certaine manière, tu opposes la culture face aux écrans avec cette œuvre ?

AP : Ce symbole m’intéressait, outre mon appétit pour les vidéos sur internet, par l’association de ces deux symboles géométriques, un cercle et un triangle, que j’ai utilisés par le passé dans mon travail. En fait, c’est suite à une erreur de perception, ayant reçu un mail sur l’actualité d’une galerie, que j’ai cru voir une sculpture dans l’espace de cette galerie alors qu’il s’agissait simplement du bouton de lancement d’une vidéo faisant visiter l’exposition. C’est un symbole universel mais ici statique, invitant le spectateur à entrer dans le musée.